27 ACCOMPAGNER LES VICTIMES Vous présidez la première Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions (CIVI) de France en nombre de victimes prises en charge. Quel est le rôle de la CIVI? Les CIVI sont les uniques portes d’entrée du système d’indemnisation pour les victimes les plus sévèrement touchées qui souhaitent obtenir une réparation de leur entier préjudice. Cette procédure leur permet de ne supporter ni le risque de non-identification de l’auteur de l’infraction, de son insolvabilité, ni la lourdeur des démarches liées au recouvrement, qui seront supportées par le Fonds de Garantie des Victimes. Dès leur réception, les 1 500 requêtes annuelles reçues à la CIVI de Marseille sont adressées au FGTI pour qu’il fasse part de son accord sur la demande de provision, de son désaccord ou d’une demande d’information complémentaire. Dans tous les cas, le secrétariat de la CIVI assure la transmission des pièces entre les requérants et le FGTI. La Commission reprend ensuite la main pour instruire l’affaire et obtenir des pièces complémentaires auxquelles les parties n’ont pu avoir accès, comme les procès-verbaux d’enquête ou les certificats médicaux rédigés par les médecins légistes. Enfin, il lui appartient de trancher les désaccords sur la prise en charge du préjudice ou son montant. La CIVI de Marseille a rendu 2 310 décisions en 2023. Dans les autres cas, l’affaire est convoquée en audience pour entendre le requérant, le Fonds de Garantie et le procureur de la République. Ainsi, la Commission statue après avoir permis à chacun de faire valoir ses arguments. En cas d’allocation d’une indemnité, le FGTI la versera à la victime dans un délai d’un mois et sans attendre une décision pénale définitive, ce qui est rapide et simple en comparaison du délai des mesures d’exécution supporté par les victimes lorsque ces dernières agissent directement contre l’auteur de l’infraction. Comment travaillez-vous avec le FGTI ? Avec le FGTI comme avec les avocats des victimes, les échanges sont nombreux au cours de la procédure d’indemnisation. Il s’agit de nous assurer que chacun dispose des mêmes éléments de procédure et puisse donner sa position de façon éclairée. Tout au long du traitement de la requête, le FGTI nous transmet par mail sa position, qu’il actualise chaque fois que la victime fait parvenir de nouvelles pièces médicales, administratives ou pénales ou que le président de la Commission a obtenu un élément utile au dossier. Des échanges téléphoniques sont parfois nécessaires, notamment en cas d’urgence, afin de s’assurer que chacun peut identifier, dans le flux d’échanges, la demande qui requiert une réponse rapide. Une rencontre annuelle se tient également entre le service de la CIVI, composé de trois magistrats, de deux juristes assistantes et du greffe, et la délégation marseillaise du FGTI représentée par son responsable manager, les experts juridiques et les responsables de service. Elle permet de faire le point sur les évolutions législatives et jurisprudentielles, de s’informer des changements de pratique de chaque service aux fins d’une meilleure anticipation et d’un meilleur traitement des demandes d’indemnisation. Comment percevez-vous l’évolution des attentes des victimes d’infractions ? Après une phase d’enquête éprouvante, un procès pénal avec une forte intensité émotionnelle, engager une procédure d’indemnisation est vécu comme un nouvel effort auquel les victimes consentent pour obtenir la réparation. Celle-ci leur permettra de rétablir leur droit et d’envisager leur reconstruction. Aussi, les victimes et les associations présentes à leurs côtés nous font part d’une demande pour accélérer cette étape. La phase d’expertise médicale et de description des séquelles reste un moment incontournable pour évaluer les dommages des victimes et affiner les indemnités qui leur seront allouées. Néanmoins, c’est à nouveau un temps où les victimes doivent reparler d’un traumatisme qu’elles voudraient oublier. Depuis la création du FGTI et de la CIVI, nous avons constaté une nette amélioration pour les victimes, avec un accroissement de la fiabilité de l’indemnisation et de sa simplicité. Mais il reste évidemment toujours possible de faire mieux, notamment en modernisant les échanges par la numérisation des dossiers, en réduisant les délais de la phase d’expertise, en la réalisant plus tôt lors de l’enquête en présence du FGTI ou en rendant accessibles les fichiers d’autres administrations contenant des informations nécessaires au traitement des demandes. La réforme du 20 novembre 2023 répond déjà à une autre attente, celle d’augmenter le nombre de victimes prises en charge par la solidarité nationale, en la rendant plus aisément accessible à des victimes très vulnérables : les victimes de violences conjugales et les mineurs.• PAROLE DE partenaire AUDE SÉVIGNON, présidente de la CIVI de Marseille D’INFRACTIONS DE DROIT COMMUN
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